Syanie Dalmat, prête à enfiler son Bleue de chauffe

Syanie Dalmat, prête à enfiler son Bleue de chauffe
Portrait
  • Journaliste à L’Équipe depuis une dizaine d’années, Syanie Dalmat va couvrir pour le quotidien sportif le parcours de l’équipe de France féminine de football lors de la Coupe du monde, qui se déroule du 20 juillet au 20 août en Australie et en Nouvelle-Zélande.
  • Cette mordue du ballon rond, originaire d’Aulnay-sous-Bois, revient sur les enjeux de cette compétition qu’elle va suivre pour la quatrième fois, après les éditions de 2011, 2015 et 2019.
  • Elle se confie aussi sur son métier qu’elle a voulu exercer après avoir « vécu de grandes émotions pendant la Coupe du monde 1998 » remportée par les Bleus.

Syanie Dalmat est affairée en ce mois de juillet. La veille de cet entretien, cette journaliste du quotidien sportif L’Équipe était en Irlande où l’équipe de France féminine de foot disputait un match de préparation à la Coupe du monde qui se tiendra du 20 juillet au 20 août en Australie et en Nouvelle-Zélande. Deux jours plus tard, elle s’envolait en Océanie pour suivre (en compagnie de son confrère Nathan Gourdol) le parcours des Bleues dans cette compétition. « Il me reste encore quelques papiers à écrire avant de partir », confie-t-elle. C’est donc entre deux avions et deux articles que cette jeune femme (38 ans), qui a passé toute son enfance à Aulnay-sous-Bois et qui habite à Montreuil, a accepté de nous rencontrer. Estimons-nous donc chanceux. Doublement d’ailleurs : car si son temps est précieux, Syanie s’est volontiers prêtée au jeu de l’interview, nous accordant près de deux heures dans cet exercice. « Je mets mon téléphone sur silencieux mais si mon chef ou une joueuse m’appelle, il faudra que je réponde », s’excuse-t-elle. En raison de l’important décalage horaire entre la France et l’Australie (huit heures), la journaliste s’attend à vivre de longues journées de travail pendant le Mondial, même si le « plaisir » de s’en aller en si lointaine contrée l’emporte largement. « Lorsque l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont déposé leur candidature commune, j’espérais qu’elles gagnent pour vivre une belle aventure dans ces pays fascinants. Maintenant, j’espère juste ne pas croiser d’étranges et dangereuses créatures dont l’Australie regorge (rire). »

Sur l’équipe de France, elle se montre relativement confiante, malgré les forfaits de joueuses cadres comme Marie-Antoinette Katoto, Delphine Cascarino ou Amandine Henry. « Je les vois aller au moins en quarts de finale car elles ont un effectif solide qui a l’habitude du haut niveau et un entraîneur (Hervé Renard) qui a su insuffler un nouvel élan depuis son arrivée il y a quelques mois, analyse-t-elle. Mais il faudra qu’elles terminent première de leur poule, ce qui signifie battre le Brésil lors de leur deuxième match, et ainsi potentiellement éviter l’Allemagne en huitièmes… » Autrement dit, ce n’est pas gagné. L’an passé, lors de l’Euro, les Bleues avaient enfin brisé le plafond de verre des quarts de finale, après cinq échecs consécutifs dans les grands rendez-vous internationaux (Euro, Coupe du monde, Jeux olympiques) mais s’étaient arrêtées aux portes de la finale. « Les Françaises sont championnes du monde des matches amicaux, ce qui prouve bien que c’est au niveau mental qu’elles pèchent, observe la journaliste. Hervé Renard (qui a notamment entraîné l’Arabie Saoudite tombeuse en poules de l’Argentine lors de la dernière Coupe du monde masculine, ndlr) a été nommé pour leur faire franchir un palier. On ne sait pas s’il remportera le Mondial mais une chose est sûre, il est apprécié dans le vestiaire (les joueuses sont détendues à l’entraînement et devant les journalistes) et fait preuve d’une ouverture à l’égard des médias qui n’avait pas été observée depuis longtemps avec cette sélection. Et ça, c’est de bon augure. »

Tchatche et culot

Si la reporter de L’Équipe est du voyage dans l’hémisphère sud, cela a bien failli ne pas être le cas des chaînes de télévision de plusieurs pays européens, dont la France. Les discussions entre la Fédération internationale de football (FIFA) et les diffuseurs potentiels ont en effet longtemps patiné avant que France Télévisions et M6 empochent finalement les droits à la mi-juin. « On a entendu plusieurs excuses, comme par exemple que l’épreuve arrive de manière tardive dans le calendrier, le cœur de l’été étant une période creuse en matière de publicité, et que les matches des Bleues seront diffusés trop tôt – à 10 heures ou midi, heure de Paris – en raison du décalage horaire, mais je crois qu’il ne faut pas se leurrer : le foot féminin (et même le sport féminin dans son ensemble) n’a pas la cote auprès de certains diffuseurs qui considèrent qu’il n’intéresse pas autant le grand public que son homologue masculin », constate amèrement Syanie.

Sa passion pour le foot est née, comme des millions de Français, pendant la Coupe du monde 1998. « J’avais 13 ans et je suis naturellement tombée sous le charme de l’équipe de France, raconte-t-elle. Je me suis alors mise à acheter des magazines comme Onze Mondial, France Football, à regarder des émissions sur Canal+ comme Jour de Foot ou L’Équipe du Dimanche. J’étais tellement accro que je consignais dans des carnets les résultats, journée après journée, des championnats français et étrangers. » Elle se documente. Beaucoup. Et rêve de devenir journaliste sportive. À 18 ans, elle intègre l’ISCPA, une école de journalisme située dans le 10e, à Paris, « qui accepte des élèves post-bac, ce qui m’arrangeait car je ne voulais pas aller à la fac, j’avais trop peur d’être livrée à moi-même », confie l’intéressée. Elle obtient son diplôme trois ans plus tard mais se heurte à un obstacle : le manque de réseau professionnel. « Comme je ne connaissais personne dans ce métier, j’y suis allée à la tchatche et au culot pour trouver des stages et des piges », détaille Syanie.

Une enfance heureuse à Aulnay-sous-Bois

Pour sa première expérience, elle opte pour la proximité. À Oxygène, le magazine municipal d’Aulnay-sous-Bois, sa ville, elle baigne dans un environnement qu’elle connaît sur le bout des doigts. « Je suis arrivée au bon moment car personne dans la rédaction ne souhaitait traiter le sport. Je me souviens notamment avoir interviewé un ami d’enfance, le footballeur Boukari Dramé, qui jouait alors au PSG. » En 2006, elle atterrit à France Soir où elle signe son premier contrat dans un contexte particulier : confronté à un effondrement de ses ventes et à des difficultés financières, le célèbre quotidien populaire connaît à cette époque une importante vague de départ. « La défection des personnels était telle que le spécialiste des courses hippiques avait été bombardé chef du service des Sports. Il m’a demandé quels étaient les sports que j’aimais et m’a dit : ‘’tu commences dans quinze jours’’. » L’aventure dure six ans, jusqu’à la liquidation judiciaire du titre. Durant ce laps de temps, elle couvre les Coupes du monde masculine (2010) et féminine (2011) puis l’Euro masculin en 2012 et, surtout, étoffe son carnet d’adresse. France Soir n’étant plus, elle intègre L’Équipe comme pigiste. Travaille sur quelques éditions spéciales (L’Équipe du Sud-Est en 2013), signe un CDD puis un CDI et est recasée à la rubrique football du site internet. Profitant de la fusion des rédactions à la fin de 2018, elle rejoint également le print pour qui elle couvrira le Mondial féminin en 2019.

A L’Équipe, dans une rédaction foot à très forte dominante masculine, il lui a fallu du temps pour trouver ses marques. « Au début, je ne me sentais pas légitime. J’ai grandi à Aulnay-sous-Bois loin du milieu du journalisme et je suis une femme noire : longtemps, je me suis demandée ce que je faisais là. Mais la plupart de mes collègues sont bienveillants et ont tout fait pour que je sois le plus à l’aise possible. » D’Aulnay-sous-Bois, où elle a vécu de 4 à 24 ans (elle a passé les quatre premières années de sa vie en Martinique), elle ne garde que de bons souvenirs. Le parc départemental du Sausset et la piscine municipale étaient ses terrains de jeu favoris. « Les années où je ne partais pas en Martinique, je passais des étés entiers dans cette ville et je ne m’ennuyais jamais. »

Montreuil ? Elle s’y est installée par hasard en 2014 parce qu’une opportunité s’est présentée. « La maternité de l’hôpital André-Grégoire où est né mon fils, les trois parcs, l’offre culturelle… J’ai beaucoup d’affection pour cette ville mais elle est devenue un peu chère. À la rentrée, je déménage aux Pavillons-sous-Bois. » Et d’ajouter : « Je tenais à rester en Seine-Saint-Denis car c’est ici que je me sens chez moi. » Quand elle n’écume pas les stades en tant que journaliste, elle foule les pelouses comme joueuse sous les couleurs de la section valide du Bondy Cécifoot Club. Elle occupe aussi le terrain associatif sous la bannière des « Femmes journalistes de sport », qui milite pour que les femmes soient davantage représentées dans les médias sportifs. « Un engagement qui m’a été salvateur, s’enthousiasme-t-elle. Nous ne sommes pas nombreuses et le fait de nous réunir pour partager nos expériences nous a soudées. En se rassemblant, on se donne de la force, on s’envoie beaucoup d’énergie. » En juin, elle a publié un livre qu’elle a coécrit avec d’autres journalistes de L’Équipe sur les 50 stars du football féminin (Éditions Solar). Parmi elles, quelques joueuses françaises. Qui elles aussi, gageons-le, sauront trouver la force pour remporter leur première Coupe du monde.

Grégoire Remund

Photos: ©Sylvain Hitau

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